Rencontre avec la céramiste Eugénie Crétinon, créatrice de l'Atelier Tsukumogami

Depuis quelques années, la marque Habitat met un point d'honneur à promouvoir les jeunes talents à travers des collections capsules, des concours de designers ou des corners dédiés. Cette saison, le nouveau Design Lab du magasin Habitat Paris République nous invite à découvrir Eugénie Crétinon qui conçoit des céramiques à l’esprit japonisant. J'ai eu le plaisir d'échanger avec Eugénie qui a partagé avec moi son amour du Japon, des matières brutes et des cabanes dans les bois. Portrait d'une amoureuse de la terre.

La tête dans les étoiles et les pieds bien sur terre, voilà une phrase qui pourrait bien décrire la céramiste Eugénie Crétinon, créatrice de l'Atelier Tsukumogami J'ai eu la chance de l'interviewer cette semaine, et je peux vous assurer que je n'ai pas boudé mon plaisir !​ Rencontrer des artistes et des créateurs reste incontestablement la chose que je préfère parmi mes multiples activités. Je sors toujours grandie de ces échanges car mes interlocuteurs partagent avec moi leur regard sur la vie, l'art et leur travail. Ce sont des moments riches et intenses ! Eugénie est une artiste sensible et pleine de peps... j'ai eu un immense coup de coeur pour son univers autant que pour son parcours hors norme, et je suis ravie d'en partager un petit bout avec vous aujourd'hui ! 

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Laissez-moi tout d'abord vous présenter son atelier, baptisé Tsukumogami en référence à une créature japonaise surnaturelle. Eugénie Crétinon a fondé cet espace de travail et de création il y a trois ans maintenant, poussée par le désir de proposer des objets à la fois utiles et beaux. Inspiré du folklore japonais, le travail d’Eugénie est à l’image de l’art de vivre japonais et des philosophies les plus zen. Dans son atelier, Eugénie récupère et répare les objets du quotidien à la manière kintsugi mais fabrique aussi artisanalement vaisselles et objets décoratifs en petites séries. Je lui ai posé quelques questions afin d'en savoir un peu plus sur son univers. Voici ses réponses ! 

  • Peux-tu te présenter ?

Je suis passionnée par le Japon depuis l'âge de 8 ans. J'ai découvert ce pays non pas via les Mangas ou les dessins animés mais grâce à l'une de mes amies franco-japonaise. A l'époque j'allais souvent chez elle et sa maman nous lisait des histoires en japonais. Je ne comprenais évidemment rien mais j'ai tout de suite aimé la sonorité de cette langue ! Le ton de sa voix me berçait... Ce souvenir m'a tant marquée que j'ai décidé de suivre une licence de japonais après mon bac, sans trop savoir ce que j'allais en faire. En parallèle, j'ai étudié le design appliqué aux jeux vidéos car je rêvais d'un métier créatif. Cette formation m'a amené à travailler quelques années sur Just Dance, un jeu vidéo de danse très apprécié par les amateurs de Switch.

J'ai ensuite eu envie de faire autre chose et c'est ainsi que je me suis dirigée vers la céramique. Très vite, je me suis spécialisée dans les petites séries d'objets utilitaires, notamment la vaisselle. J'ai toujours fonctionné à l'instinct et au coup de coeur, et cela m'a plutôt réussi jusqu'à aujourd'hui !

 

  • Comment as-tu découvert l'univers de la céramique ?

En lisant le roman de Haruki Murakami​ "L'Incolore Tsukuru Tazaki et ses années de pèlerinage". L'auteur y raconte l'histoire d'un homme qui doit retrouver ses amis d'enfance pour guérir ses blessures personnelles. L'une de ses amies est céramiste, et c'est en découvrant les quelques pages consacrées à son univers que j'ai eu le déclic ! Je me suis donc inscrite à des cours "loisirs" animés par une céramiste ayant étudié les différentes techniques du travail de la terre au Japon (ce qui n'est évidemment pas un hasard !). J'ai adoré ses ateliers... et j'ai décidé d'en faire mon métier. Une demande de reconversion professionnelle a rapidement suivi, puis des cours dans un atelier spécialisé dans le reconversion professionnelle. J'ai obtenu mon CAP, ce qui m'a permis d'ouvrir mon propre atelier !

  • Quelles sont tes techniques de prédilection ?

On dit souvent qu'il existe deux types de potiers : ceux de la forme, qui maîtrisent le modelage et le tournage à la perfection, et ceux de la couleur, qui aiment jouer avec les émaux et créer des effets d'oxyde. Je fais partie de cette seconde catégorie, il n'y a aucun doute là-dessus ! J'aime jouer avec la chimie, les oxydes... et plus particulièrement le cuivre, qui offre des possibilités infinies d'aspects verts ou bleutés. On retrouve d'ailleurs cette technique dans ma dernière collection baptisée Sora ("ciel" en japonais) : les couleurs évoquent celles des aurores boréales, une illusion créée par le mélange des émaux. Lorsque j'ouvre le four, je ne sais jamais à quel résultat m'attendre et c'est ce qui me plaît ! Cela donne des produits uniques, assez "libres" et imprévisibles.

Les émaux et les effets mouchetés créés par l'utilisation des pigments sont la spécialité d'Eugénie

 

  • A quoi ressemble une journée dans ton atelier ? 

Je suis quelqu'un de concentré et de minutieux, je m'interromps rarement une fois mon travail commencé. Certaines tâches - comme le kinsugi par exemple - restent très chronométrées et nécessitent d'être terminées rapidement, sous peine de gâcher de la matière. J'ai pris l'habitude d'écouter France Inter lorsque je travaille : les émissions sont de qualité et me permettent d'apprendre tout en créant ! J'ai un faible pour les podcasts sur l'écologie : CO2 Mon amour, L'esprit d'initiative...

A la naissance de ma fille, j'ai fait le choix de ne travailler à l'atelier que deux jours par semaine pour pouvoir passer un maximum de temps avec elle. Je travaille donc de la maison le reste de la semaine, en profitant des heures de sieste ou des moments de jeux pour gérer la partie communication et tout ce qui a trait à l'administratif. Cela demande du temps mais c'est un aspect du travail que j'aime beaucoup ! Je donne également des cours de Kintsugi deux fois par semaine, ce qui complète mon emploi du temps hebdomadaire. 

  • Où puises-tu ton inspiration ?

Je n'ai pas de source d'inspiration précise... J'aime les traditions culturelles de façon générale : les traditions japonaises évidemment, mais aussi les dessins orientaux, les tissages mexicains. Ma tête est un Pinterest géant, où s'entrecroisent des textures et des couleurs. Je peux également m'inspirer de plats - notamment pour créer les formes de mes assiettes - mais aussi d'architecture pour les formes ou l'approche des textures.

La culture japonaise est très présente dans les créations d'Eugénie. Coup de coeur pour les assiettes et leur camaïeu de verts issues de la collection Sora       

 

  • Comment s'est passée ta rencontre avec les équipes d'Habitat ?

Cette rencontre a été une très bonne surprise, tant sur le plan humain qu'éthique. J'ai été très touchée par leur façon d'aborder la relation avec les artisans !  

  • Je te propose de continuer avec un portrait chinois ! Si tu étais...

- Un rituel ? J'ai pris l'habitude d'aller me balader avec ma fille le matin très tôt. Nous partons dans la nature écouter le bruit des oiseaux... A son âge elle sait d'ailleurs reconnaître une pie d'un moineau ou d'un pigeon, c'est assez incroyable !

- Une odeur ? Une odeur fleurie, peu importe laquelle

- Une couleur ? Sans hésiter, le vert !

- Un matériau ? Le bois. Je rêve d'ailleurs d'apprendre à le travailler.

- Un bruit ? Un écoulement d'eau, celui des gouttes, d'une rivière, d'une gouttière...

- Un lieu ? Une cabane au fond des bois. 

- Un artiste ? le réalisateur Wes Anderson, j'aime son rythme, je ressors essoufflée de chaque visionnage et pourtant apaisée en même temps. Ses cadrages d'une symétrie obsessionnelle me donnent la chair de poule ! Quant aux ambiances sonores et musicales de ses films, elles restent dans ma tête des mois durant. 

- Un moment de la journée ? Le matin, très tôt, juste avant l'aube.

  • Quelle est la liste de tes envies pour les prochains mois / années ?

Je rêve de trouver un jour une petite cabane pour vivre loin de tout. Un lieu où tout serait centré sur l'autonomie pour pouvoir faire les choses seule. Ma priorité aujourd'hui reste de prendre le temps. Prendre le temps d'échanger et de partager des choses avec les autres plutôt que de me centrer sur du matériel. Je m'interdis d'ailleurs de dire "dépêche-toi" à ma fille. Je veux qu'elle aussi puisse profiter de chaque seconde... 

Pour plus de renseignements sur l'Atelier Tsukumogami, rendez-vous sur www.tsukumogami.fr

Crédit photos : I followed the birds / Camille Betinyani

                                                                                                                                                                  

Commentaires

Maguelonne
Super article, merci pour la découverte
Portrait de Béatrice
Béatrice
Merci à toi de m'avoir lue Maguelone ! Bon week-end ma belle

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